Nous mettons à votre lecture ci-dessous, l'avis très motivé de l'association pour la protection des bassins du Bès et de la Truyère.
Association pour la Protection des Bassins du Bès et de
la Truyère
Le Village
48310 Albaret le Comtal
Monsieur le Commissaire-enquêteur
Projet de parc éolien de La Villedieu
La Mairie
48700 La Villedieu
Albaret le Comtal, le 25
septembre 2013
Monsieur le
Commissaire Enquêteur,
Le projet de
parc éolien de La Villedieu est la chronique annoncée d’un désastre
environnemental :
- Phase 1: les 9
éoliennes de La Villedieu étant situées en zone forestière (E1 à E9 sur la carte 1.jpg), leur implantation va nécessiter
le défrichement de plusieurs dizaines d’hectares ; de tels exemples
existent déjà en Margeride, par exemple le projet du Truc de l’Homme (7
éoliennes) sur les communes du Fau de Peyre et de la Fage Montivernoux a
entrainé le défrichement d’environ 50 hectares (carte2.jpg). Le rôle de la forêt dans la
rétention/restitution d’eau n’est pas à démontrer, le risque de perturbation du
réseau hydrologique est donc substantiel localement.
- Phase 2 :
comme un projet industriel de cette envergure met du temps à se concrétiser,
les zones défrichées vont être transformées –en attente de la mise en œuvre- en
prairies artificielles ; ces prairies seront « bonifiées » à
l’aide d’engrais chimiques ce qui augmentera considérablement le risque de
pollution des sources, captages et ruisseaux en aval de la zone du
projet ;
- Phase 3 : la
phase de creusement des fondations est particulièrement critique.
Pour comprendre les
conséquences négatives de ce type de travaux sur l’hydrogéologie locale, il
faut un rappel de géologie :
- La partie nord de la Lozère, notamment la Margeride et plus
particulièrement la zone de La Villedieu (carte
3 – InfoTerre La Villedieu.pdf et carte 3 bis - legende-carte-La Villedieu),
repose essentiellement sur un socle granitique fissuré et fracturé au fil du
temps sous l’effet de multiples facteurs (glaciation, soulèvement des Alpes,
séismes, infiltrations d’eau, gel/dégel etc.). Ce sont ces fissures et
fractures qui assurent la perméabilité du socle, car les roches cristallines et
métamorphiques qui le composent sont peu perméables et poreuses. L’horizon
supérieur de ces terrains granitiques est quant à lui composé d’une roche
altérée (altérite) plus ou moins poreuse selon sa composition. Cet horizon
altéré -encore appelé arène granitique- peut abriter des nappes d’eau de petite
envergure dont la surface de recharge est très localisée puisque limitée à la
zone de la fracture verticale du socle. Par ailleurs, cet horizon est plus ou
moins profond selon la topographie : de zéro à plusieurs dizaines de
mètres. En effet, il n’y pas de nappe phréatique à grande échelle, comme on
peut en trouver dans des terrains sédimentaires. Le sous-sol se présente donc
sous la forme d’une masse de granite fracturée en un réseau tridimensionnel de failles et de
micro-failles à la faveur desquelles l’eau (émanant d’infiltrations ou
d’origine fossile et contenues dans des poches aquifères) remonte à la surface
(trop plein). Ainsi nos régions granitiques sont connues pour leurs nombreuses
résurgences au sommet des montagnes, contrairement aux régions calcaires où
l’eau sourd à la base des couches sédimentaires. Certaines de ces failles se
recoupent, d’autres sont tout à fait indépendantes les unes des autres. Ensemble elles représentent une juxtaposition
de réseaux aquifères qui ne sont pas nécessairement liés entre eux et dont la
configuration dans l’espace est très difficile à connaître (d’où le succès des
sourciers). On parle « d’aquifères
discontinus ». Il en découle que la ressource en eau des socles granitiques
est plus modeste et que sa gestion est bien plus complexe que celle des
aquifères sédimentaires. Des précautions extrêmes s’imposent quant à
l’exploitation des terrains en surface.
Ces précautions sont
d’autant plus importantes à observer dans le cas de La Villedieu car l’arène
granitique y est quasiment inexistante, ayant été décapée par les glaciers de
l’ère quaternaire (voir le deuxième paragraphe, en page 15 du document 1 - hydrogéologie Margeride.pdf).
Ceci implique que les résurgences proviennent directement de remontées d’eau
via le réseau de failles. Or lors des travaux de fondation d’une éolienne, on
défonce le sol sur plusieurs mètres de profondeur et sur un diamètre d’une
vingtaine de mètres pour faire une « semelle » d’éolienne (lourde
semelle en béton qui assure l’ancrage et la stabilité de l’éolienne et n’est
jamais excavée en fin d’exploitation) : on touche fréquemment les sources
et les failles qui les alimentent (Photo 1 – fondation éolienne en terrain granitique.jpg) ; au mieux on perturbe durablement le
régime de la ou des sources concernées et plus généralement le réseau
hydrologique qui lui est lié ; au pire on perd la ressource en eau à
jamais. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire a pointé les risquessanitaires importants liés à la mise en place de dispositifs éoliens dans lespérimètres de protection des captages d’eau ; dans la pratique, ces
captages et points d’eau sont impossibles à éviter par un projet éolien tant la
densité de captages, tourbières et sources est importante en Margeride, d’après
les cartes du Bureau de Ressources Géologiques et Minières. Sans parler de la
menace sur la qualité de l’eau due aux fuites (fréquentes) d’huile de moteur d’éolienne et
aux produits chimiques contenus dans les 1500 tonnes de béton constituant le
socle de chaque machine en montagne (photo
2A et 2B – pollution moteur.jpg).
Phase 4 :
dégâts sur la faune typiquement associés à ceux d’un parc éolien, que je ne
développerai pas ici, le sujet a été largement documenté par des associations
de protection de la faune, régionalement et nationalement.
Mais le
projet de parc éolien de La Villedieu est également la chronique annoncée d’un
désastre socio-économomique :
Le développement de
l’éolien industriel émane le plus souvent d’entreprises dont l’objectif
principal est de dégager des dividendes pour les actionnaires. Ce n’est pas un
défaut, c’est un fait. Leur implication dans le secteur des énergies
renouvelables ne témoigne d’aucun engagement en faveur de
l’environnement : elle répond à une stricte logique de rentabilité permise
par une subvention (rachat de l’électricité fournie par l’éolien à un prix
supérieur à celui du marché), une politique gouvernementale très favorable à
l’éolien (objectifs de développement à l’échelle régionale) et un cadre
réglementaire qui ne cesse de s’assouplir (disparition des ZDE) sous la
pression d’un puissant lobby. Là aussi, ce sont les faits. Sur le terrain, en
Margeride comme partout ailleurs, le développeur choisit un site, courtise les
élus, implante ses machines, revend le parc à un exploitant, empoche le
bénéfice et recommence un peu plus loin. Cette stratégie est souvent entachée
de défauts de gouvernance plus ou moins graves mais le promoteur n’en a que
faire : il a des objectifs quantitatifs à remplir, les moyens de s’offrir
des conseillers juridiques et se débrouille toujours pour ce soient les élus
qui paient le prix de son insatiabilité (prise illégale d’intérêt, corruption
passive ou active).
Par contraste, nous
-les habitants de la Margeride- avons choisi cette terre pour y vivre, y
travailler, y élever nos enfants. Certains d’entre nous y sont nés et restés,
c’est un choix par défaut. Certains l’ont quittée pour mieux y revenir.
D’autres encore l’ont adoptée et la respectent tout autant que ceux qui y sont
nés. Et puis il y a ceux qui –des hauteurs de l’Aubrac, du causse du
Sauveterre, du Mont Lozère ou des Monts du Cantal- observent nos actions,
guettent nos décisions et approuvent notre détermination à défendre notre
territoire car chacun sait ici que la Margeride fait partie d’un tout et que ce
tout –LA LOZERE- n’est pas à vendre.
Pour nous, la
Margeride est une magnifique ligne d’horizon qui émerge d’un brouillard
diaphane le matin, étincelle d’un vert émeraude le midi et se pare d’une mystérieuse
ombre bleue à la tombée de la nuit.
Pour les
promoteurs, c’est une zone coloriée en jaune sur le schéma régional éolien et
que la région Languedoc-Roussillon a désignée comme propice au développement de
l’éolien (puisque l’éolien n’y est pas interdit) dans son immense bonté, à
moins que ce ne soit sous l’influence de groupes mafieux italiens comme le
laisse supposer le SIRASCO - Service d'Information, de Renseignement et
d'Analyse Stratégique sur la Criminalité Organisée- dans un rapport d’octobre 2012
soulignant que la technique de ces groupes est celle de «l’infiltration au sein
d'administrations décentralisées» pour «influer sur la désignation des zones
retenues pour l'implantation de parcs d'éoliennes».
Pour nous, la
Margeride offre une forte densité de sources et de résurgences que nous nous
faisons un devoir de protéger car, au delà de leur contribution aux bassins
d’Allier et de la Truyère (notamment), elles alimentent nos villages, abreuvent
nos bêtes et désaltèrent le pèlerin de passage.
Pour les
promoteurs, c’est une grosse tâche verdâtre sur une carte topographique
assortie, quelle aubaine, d’une faible densité de population : pas de
population, pas d’opposition.
Pour nous, la
Margeride est un territoire rural (sans urbanisation ni industrialisation) dont
l’économie fragile est construite sur une agriculture de qualité, une
exploitation raisonnée de la forêt, un tourisme très exigent à l’égard des
paysages et de l’environnement (biodiversité, qualité de l’eau) et un artisanat
encore vivace.
Pour les
promoteurs, c’est du terrain presque vierge qui promet de la rentabilité pour
les actionnaires.
Pour nous, la
Margeride est le paradis du randonneur, du pêcheur, du skieur de fond, de
l’amateur de produits du terroir, mais aussi une terre prisée pour sa
tranquillité, son silence.
Pour les
promoteurs, du bruit c’est sûr qu’un parc éolien en fait, mais plutôt se damner
que de l’admettre et puis la crainte du bruit se règle facilement: on emmène
quelques élus et quelques habitants faire un petit tour dans un parc éolien
déjà en fonctionnement, on évitera d’y aller un jour où ça fait trop de bruit
(on évitera ainsi les jours de brouillard, ceux où l’humidité est trop forte,
où il fait trop de vent, etc.) et le tour est joué. Et puis si les gens se
plaignent encore du bruit quand le parc fonctionnera, il n’auront qu’à demander
à l’exploitant d’arrêter de faire fonctionner les éoliennes la nuit : on
aura détruit le paysage pour rien, mais ce n’est pas un problème.
Pour nous, les
villages de la Margeride sont les témoins de la détermination d’hommes et de
femmes qui se sont battus pour qu’aujourd’hui NOUS -leurs enfants- vivions dans
une France libre.
Pour eux, ce sont
des villages moribonds qu’on va mettre sous perfusion: ils auront vite fait de
convaincre les élus en leur faisant miroiter des possibilités d’infrastructures
auxquelles ils n’avaient même pas pensé !
Pour nous, la
Margeride est une promesse de nuit noire, d’un noir riche, profond, propice à
la réflexion ainsi qu’à l’observation des étoiles.
Les promoteurs,
eux, ne réfléchissent pas, ils n’observent pas: « ils saisissent les
opportunités » comme on dit et construisent des champs de machines qu’on
verra depuis des dizaines de kilomètres à la ronde (le jour) et qui
clignoteront au rythme de 40 pulsations par minute (la nuit). Adieu les nuits
étoilées.
Voilà, Monsieur le
Commissaire-Enquêteur, ce qu’est la Margeride pour nous et ce qu’elle est pour
les promoteurs d’éolien industriel. Voilà ce que représente la commune de La
Villedieu pour nous, et ce qu’elle représente pour eux.
Ne croyez pas que
nous sommes défavorables aux énergies renouvelables mais comprenez que l’éolien
n’a rien de renouvelable et que l’installation d’un parc éolien est une
opération chirurgicale à cœur ouvert de grande envergure et qui se fait sans
anesthésie. Et l’expérience médicale des départements voisins (Cantal et
Aveyron pour ne citer qu’eux) démontre qu’une opération en appelle une autre,
puis une autre et ainsi de suite. Le projet de La Villedieu, c’est la porte
ouverte à la horde de promoteurs qui piétinent depuis des mois et n’attendaient
que le feu vert de la région (la publication du schéma régional éolien) pour
mettre à sac une région –la Margeride. Et TOUR CELA POUR RIEN : le bilan
de l’industrie éolienne est négatif en terme d’emplois, de fourniture
d’énergie, de bilan CO2. Le contraire de ce que cette industrie s’évertue à
faire croire.
Au nom des membres de l’Association pour la Protection des Bassins du Bès
et de la Truyère (215 adhérents à la date du 25/09/203), je vous demande de
donner un avis négatif à ce projet et de contribuer ainsi à faire respecter la
délibération du 21/12/2012 du Conseil Général de la Lozère défavorable “à tout développement de l’éolien sur le
territoire de la Lozère au regard de ses espaces dont la forte identité
paysagère et environnementale est incompatible avec ce type d’implantation.”
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire-enquêteur, l’expression de
mes sentiments respectueux.
Pascale Debord
Présidente
Association pour la
Protection des Bassins du Bès et de la Truyère
06 7868 7545
L'association pour la protection des bassins du Bès et de la Truyère, se préoccupe plus particulièrement des problématiques d'eau, et en Lozère "Pays des sources" il y en a.
Pour attester le sérieux des observations fondant un avis défavorable sur ce projet de la Villedieu, il a été mis en pièces jointes un document expliquant le fonctionnement et la fragilité de l'hydrogéologie de la Margeride.
Pour attester le sérieux des observations fondant un avis défavorable sur ce projet de la Villedieu, il a été mis en pièces jointes un document expliquant le fonctionnement et la fragilité de l'hydrogéologie de la Margeride.
Bien entendu l'étude d'impact du projet, et la DREAL dans son avis sur l'évaluation environnementale du projet, ignore ce fonctionnement et cette hydrogéologie, et ne vérifie pas les impacts induits. Le projet est à proximité d'un captage, et de nombreuses zones humides superficielles, et il n'a été fait aucune vérification des impacts du projet sur la pérennité de ces ressources en eau.
Est-on encore dans une république exemplaire ??? Si un petit paysan ne respecterait pas les textes, il aurait "aux fesses" les services de l'eau du département, la DREAL, l'agence de l'eau, l'ONEMA, et plus encore ; mais pour un projet financier et industriel de très grande hauteur contestable, circulez il n'y a rien à voir!!!!!!!!
Sachons préserver notre belle Lozère, Pays des sources
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